La convention citoyenne sur la fin de vie : Le point sur un sujet qui divise

Le 13 Septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) rend son avis 139 intitulé « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité ». Cet avis conclut qu’il « existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir, mais qu’il ne serait pas éthique d’envisager une évolution de la législation si les mesures de santé publique recommandées dans le domaine des soins palliatifs ne sont pas prises en compte ». Le CCNE pense qu’il est important de prendre le temps, pour se pencher sur une réflexion qui touche à l’intime et nous touche tous et souhaite la mise en place d’une convention citoyenne.

Ce même 13 Septembre, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé l’ouverture d’un débat national sur la fin de vie qui s’inscrit dans un processus débuté en 1986

Ce travail a été confié au Comité Economique Social et Environnemental (CESE), notre 3ème assemblée de la constitution, qui assure le lien entre le pouvoir public et la société civile.

Une convention citoyenne a donc été mise en place pour mener ce débat démocratique participatif avec un comité de gouvernance qui assurerait le suivi méthodologique du dispositif et veillait aux principes de transparences et de l’exemplarité démocratique de l’organisation de la Convention.

La question posée par la première ministre, madame Elisabeth Borne, à la convention citoyenne était «  Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »

184 citoyens tirés au sort selon des critères précis, représentatifs de la population française ont été sollicités pour faire un état des lieux de la fin de vie en France, et donc débattre sur le changement ou pas de la loi actuelle, aménagement, ou nouvelle loi. Ces citoyens ont apporté leur vécu, ont pu s’informer de façon éclairée à partir de nombreuses conférences/débats, approfondir leurs connaissances, pour construire du dialogue, débattre, pour définir des perspectives et des consensus.  

La convention citoyenne a débuté ses travaux le 9 décembre 2022 et a rendu ses conclusions et son rapport final le 2 Avril 2023 :

9 sessions de travail et 27 jours de débat durant lesquels ces citoyens ont pu discuter de sujets qui divisent dans un respect mutuel, comme le souligne la présidente de la convention.

Les membres de la convention citoyenne ont été reçus par le président de la République à L’Elysée le 3 avril pour lui faire part de leurs recommandations.

Les résultats de la Convention Citoyenne en quelques chiffres :

La Convention Citoyenne a réussi un exercice d’intelligence collective en s’emparant de questions difficiles sur la fin de vie.

A la question posée par la première ministre la convention citoyenne répond que le cadre d’accompagnement de la fin de vie doit être amélioré (97% des votants) et n’est pas adapté aux différentes situations rencontrées (82%) pour principalement deux raisons :  d’une part, l’inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie et, d’autre part, l’absence de réponses satisfaisantes face à certaines situations de fin de vie, notamment dans le cas de souffrances physiques ou psychiques réfractaires.

La Convention a adopté 65 propositions collectives visant à renforcer le cadre d’accompagnement de la fin de vie notamment l’accès aux soins palliatifs, pour tous et toutes, partout, assurer l’égalité de l’accompagnement de fin de vie, informer le grand public, renforcer la formation des Professionnels de Santé, revaloriser le parcours de soins (revaloriser la profession d’aide-soignant, le travail pluridisciplinaire), intensifier la recherche.

 

La majorité des 184 votants (75,6%), a tranché en faveur de l’ouverture d’un accès à une aide active à mourir, « modalité la plus adaptée pour respecter la liberté de choix des citoyens, combler les insuffisances du cadre légal actuel, notamment les limites de la sédation profonde et continue et mettre fin aux situations d’hypocrisie constatées ». la Convention fait émerger une position majoritaire : celle de la nécessité de mettre en place à la fois le suicide assisté et l’euthanasie, dans la mesure où le suicide assisté seul ou l’euthanasie seule ne répondent pas à l’ensemble des situations rencontrées. 25% n’est pas en faveur de cette évolution.

 

De quoi parle-t-on ?

·       Suicide assisté : terme communément utilisé pour désigner le fait de prodiguer à une personne qui le demande l’environnement et les moyens nécessaires pour qu’elle mette fin à sa vie. La personne qui le demande s’auto-administre la substance létale ; l’acte est rendu possible par un tiers mais pratiqué par la personne elle-même. Aussi appelé assistance au suicide ou suicide médicalement assisté. Centre National des Soins Palliatifs et de la Fin de Vie (CNSPFV), Panorama des législations sur l’aide active à mourir dans le monde, 2022.

En France, le suicide assisté est interdit.

·       Euthanasie : se caractérise par l’intervention d’un tiers qui va provoquer le décès d’une personne selon des circonstances précises que la loi est en charge de définir. Selon le CCNE (avis n°63 janvier 2000) il s’agit d’un « acte d’un tiers qui met délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. Pour le CNSPFV, la substance létale est administrée à la personne qui le demande par un tiers ; l’acte est pratiqué par un tiers.

En France cet acte est légalement interdit. La législation actuelle, avec la loi Claeys-Léonetti de 2016, permet aux soignants de renforcer le soulagement des souffrances par un droit à la sédation profonde et continue :

Que ce soit le suicide assisté ou l’euthanasie, chacun fait l’objet d’une dépénalisation dans certains pays. Chaque pays ayant légiféré a adopté un cadre spécifique qui définit de façon très précise les conditions d’éligibilité, les garde-fous et les modalités de contrôle.

La Convention Citoyenne a prôné la volonté du patient qui doit être respectée dans tous les cas. le discernement, l’incurabilité, le pronostic vital engagé, les conditions médicales, les souffrances (réfractaires, physiques, psychiques, existentielles), l’âge sont les principaux critères sur lesquels la convention a travaillé et débattu.

Des modalités de mise en œuvre, avec « gardes- fous » et contrôles seront définies :

·       L’écoute de la demande, qui doit garantir que la volonté exprimée est libre et éclairée,

·       Un accompagnement médical et psychologique complet incluant une évaluation du discernement de la personne,

·       Une validation soumise à une procédure collégiale et pluridisciplinaire,

·       Une réalisation encadrée par le corps médical (même dans le cas d’un suicide assisté) dans un lieu choisi par la personne (une structure médicale, le domicile, un EHPAD…) et dans le respect de la clause de conscience des professionnels de santé, Une commission de suivi et de contrôle pour s’assurer du respect de la procédure définie.

78% estiment que les soignants doivent pouvoir faire valoir une clause de conscience pour ne pas participer à la procédure de réalisation de l’acte. En cas d’exercice de cette clause, le patient doit être orienté vers un autre professionnel.

La Convention Citoyenne finalise son travail par un manifeste pour interpeller le gouvernement sur le système de santé qui est dans une « situation alarmante faute de moyens humains et financiers. ».. « Il est plus que jamais nécessaire de renforcer notre système de santé afin d’accompagner l’ensemble des patients, et plus spécifiquement ceux en fin de vie. »

Le président de la République souhaite que le gouvernement et le parlement s’appuie sur ce travail, pour la création d’un projet de loi d’ici la fin de de l’été 2023 : la construction d’un modèle français.

 

La poursuite du dialogue est crucial avec l’ensemble des parties prenantes, notamment avec le corps médical qui a de grands questionnements. Quelle place pour la médecine? A ce jour 70-80% des décès surviennent dans des structures médicalisées. Doit-on inventer une nouvelle voie à construire avec aussi le milieu associatif comme le suggère le président du CCNE ?

 

 © Miguel Lopes Jeronimo