Douleurs Sans Frontières (DSF) agit depuis 2010 afin de renforcer le système de santé haïtien, en menant diverses activités telles que la prise en charge de la douleur de patients atteints de douleurs chroniques ou en situation de soin palliatif, ainsi que la sensibilisation et la formation d’étudiants, de professionnels et d’agents communautaires sur les problématiques liées à la douleur.
Il n’y a pas d’autres organismes ou de dispositifs institutionnels qui mettent la prise en charge (PEC) de la douleur et les soins palliatifs (SP) pour les personnes en fin de vie au cœur de leurs interventions en Haïti. Dans le cadre de programmes nationaux de PEC des maladies infectieuses ou de SRM, certaines structures de soins et ONG (PEPFAR dans les hôpitaux, MSF, MdM, etc.) soutiennent des actions qui comprennent des volets douleur et SP. D’autres organismes comme le centre Gheskio accordent beaucoup d’importance aux SP mais les interventions sont ciblées pour les personnes vivant avec le VIH/SIDA en particulier.
La démarche de DSF est, quant, à elle transversale, interdisciplinaire et périphérique. La PEC de la douleur est centrale pour DSF car elle touche toutes les personnes, de tout âge et est présente dans la plupart des pathologies. De plus, DSF s’intéresse tout particulièrement aux douleurs chroniques et aux douleurs neuropathiques qui sont souvent mal connues et donc mal traitées en Haïti. Les professionnels de santé sont souvent impuissants face à la douleur de leurs patients et sont en demande de connaissances et de traitements pour améliorer la PEC de leurs patients. La PEC des douleurs chroniques[1] est d’autant plus importante en Haïti car la prévalence des pathologies chroniques (neuropathies diabétiques, cancers, migraines et céphalées, douleurs chroniques post-traumatiques, etc.) est très élevée au point que selon le PSNSRR 2018-2022[2] : « Haïti a la plus forte incidence déclarée de cancer du col utérin dans n’importe quel pays du monde, avec 94 cas pour 100 000 habitants. Le cancer du col de l’utérus est la principale cause de décès par cancer chez les femmes haïtiennes, avec environ 1 500 décès par an. » Pour garantir une PEC efficace des patients douloureux chroniques dans les années à venir, les professionnels de santé haïtiens doivent avoir accès à des informations et à une formation de qualité, ce à quoi DSF travaille, avec ses partenaires, depuis une dizaine d’années.
[1] La douleur chronique évolue dans le temps et est « un phénomène pluridimensionnel somatique et psychosocial » dont les effets sur la vie des patients peuvent être très négatifs. La douleur chronique est « source d’incapacité et de handicap, affecte l’humeur, le sommeil, les rapports sociaux, la qualité de vie du patient, et limite les activités professionnelles et domestiques.
[2] Plan Stratégique National de Santé Sexuelle et Reproductive 2018-2022, Direction de la Santé de la Famille, MSPP, janvier 2018, p.18
Caractérisé par un climat sécuritaire alarmant, Haïti rencontre de nombreux troubles sociaux et politiques. En effet, ces dernières années, la pénurie et la montée des prix des biens essentiels ont engendré de multiples manifestations. Actuellement, la prolifération de la microcriminalité due à la multiplication des gangs et des enlèvements, ainsi que le refus du président d’organiser de nouvelles élections après son mandat le 7 février 2021, font d’Haïti le théâtre d’évènements particulièrement violents.
Haïti est également un pays particulièrement vulnérable face aux catastrophes naturelles (séismes, ouragans/tempêtes tropicales) ainsi qu’aux épidémies. En 2010, un séisme d’une rare intensité a mis en danger plus de 500 000 personnes et fut à l’origine de la destruction de centaines de milliers de logements, écoles, universités et de 60 % du système de santé du pays. Le pays a aussi connu après 2010, pendant 9 ans, la plus grande épidémie de choléra au monde.
La crise mondiale que nous connaissons actuellement à cause de la pandémie de la COVID-19, n’a fait que fragiliser le système de santé. L’accès limité aux soins, la difficulté d’approvisionnement en médicaments ainsi que la qualité des services de santé ne sont pas garantis par l’État. Par conséquent, dans le contexte de pauvreté extrême d’Haïti, où plus de 50 % de la population touche moins 2,5 $ par jour en 2020, l’accès aux soins pour la plupart des ménages est extrêmement compliqué.
DSF en Haïti depuis 2010
Douleurs Sans Frontières intervient en Haïti depuis 2010 et a participé activement à l’implantation de l’Unité Douleur (UD) à l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) en 2011. En septembre 2012, avec un financement du réseau Caritas, DSF a lancé un projet d’appui institutionnel à la mise en place d’un dispositif accessible de PEC de la douleur à l’HUEH. Durant 3 ans DSF a donc accompagné l’UD dans sa reconnaissance institutionnelle, sa collaboration avec les services de l’hôpital et à l’élaboration de son projet de service. En parallèle, de nombreuses activités de formation, de sensibilisation et d’étude ont été menées avec des acteurs institutionnels et associatifs dont les principaux sont la Société Haïtienne d’Anesthésiologie (SHA), la Faculté de Médecine et de Pharmacie de l’Université d’Etat d’Haïti (FMP-UEH), la Faculté de Sciences Infirmières de Port au Prince (FSIP), la Fondation Connaissance et Liberté (FOKAL) et la Direction de la Pharmacie, du Médicament et de la Médecine Traditionnelle (DPM-MT).
En 2015, DSF a déposé un projet (première phase) à l’Agence française de développement (AFD) qui a permis à l’UD de l’HUEH de proposer une offre pluridisciplinaire de soins[1]et de développer les collaborations avec les autres services de l’HUEH. Dans le projet, une UD a été installée à l’Hôpital universitaire de la Paix (HUP) grâce à la mobilisation des médecins, résidents et de la direction médicale de l’hôpital. En parallèle, les activités de formation et de plaidoyer ont permis de créer des liens importants avec des structures de soin, des sociétés médicales, des ONG, des écoles et universités, etc. DSF souhaite collaborer de manière plus étroite avec ses partenaires dans la nouvelle phase du projet ainsi que développer de nouvelles relations partenariales.
Les soignants et les responsables de l’HUEH et de l’HUP ont été associés au suivi et à l’évaluation de la première phase du projet AFD ainsi qu’à l’élaboration de la deuxième phase du projet. Plusieurs réunions de travail et d’évaluation des activités et des outils du projet ont été organisées afin de définir les orientations de la nouvelle phase, d’identifier les besoins et les éventuels partenariats et de réfléchir à la conception du projet.
La visite exploratoire dans les départements du Nord et de l’Artibonite ont mis en évidence l’intérêt de structures telles que l’UEH à Limonade, l’EINDS et de l’HUJ (dans le Nord) et de la FASI-UPAG et de l’HPG (dans l’Artibonite) pour la formation en douleur et en soins palliatifs (SP) à destination des professionnels de santé et aussi d’autres professionnels comme les assistants sociaux et les psycho-éducateurs ainsi que pour la mise sur pied de dispositifs de soins pour la prise en charge (PEC) des patients douloureux dans les structures de soins.
La deuxième phase du projet a pour ambition également de mettre l’accent sur le plaidoyer envers les autorités haïtiennes et internationales sur l’importance de la PEC de la douleur et des SP dans le développement d’un système de santé inclusif, efficace et de qualité. DSF va continuer de renforcer son partenariat avec le MSPP à savoir avec la DPM-MT, la DFPSS, la DSI ainsi que la DSF au niveau central et développera des liens forts avec la DSO, la DSA et la DSN dans les départements.
La FOKAL souhaite continuer de soutenir l’organisation du Diplôme universitaire (DU), la formation aux aidants et aux agents de santé communautaire polyvalents (ASCP) et le fonctionnement de l’UD et les initiatives de valorisation et médecine traditionnelle.
[1] Consultation d’appui psychologique pour les patients en souffrance, visites à domicile de soins palliatifs pour les patients en fin de vie, traitements médicamenteux et non-médicamenteux adaptés au contexte haïtien.
De plus, DSF souhaite étendre ses activités de soin et de formation à d’autres provinces.
Depuis le début de l’année 2024, le contexte sécuritaire s’est détérioré en Haïti, notamment dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les violences perpétrées par les gangs armés ont atteint un niveau alarmant, forçant des milliers de personnes à fuir leurs foyers et rendant l’accès aux services sociaux de base extrêmement difficile, voire impossible pour beaucoup. Cette conjoncture critique, s’inscrit dans une crise structurelle complexe et de longue durée et aggrave encore davantage les conditions de vie déjà précaires de la population haïtienne.
Dans ce contexte de tension et de danger permanent, l’importance du soutien psychosocial devient primordiale. Les événements traumatiques vécus au quotidien laissent des séquelles profondes, surtout chez les enfants et les adolescents. C’est pourquoi Douleurs Sans Frontières (DSF) s’engage sans relâche à renforcer les capacités de résilience de la jeunesse haïtienne en leur offrant un soutien adapté.
Le projet « Renforcer les capacités de résilience des gens, en les aidant à se préparer aux conséquences traumatogènes liées à la situation socio sécuritaire actuelle du pays » est une initiative menée en partenariat avec le service de Pédiatrie de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH), ainsi que l’organisation Village d’Enfants SOS d’Haïti (VESH). Grâce au soutien financier de Otto per Mille Valdese, ce projet permet d’apporter un accompagnement crucial aux jeunes affectés par la violence et l’instabilité
Nous sommes reconnaissants envers Otto per Mille pour leur généreux soutien qui rend possible notre action sur le terrain. Ensemble, nous travaillons pour offrir un avenir meilleur aux enfants et aux adolescents haïtiens, en leur donnant les outils nécessaires pour surmonter les épreuves et (re)construire leur vie.
Soumis à la pression d’attaques armées les obligeant parfois à quitter leur domicile – et malgré tout appelés à assurer le bien-être et la prise en charge de qualité de leurs patients -, des jeunes médecins en pédiatrie ont pu bénéficier d’un espace de parole et de partage animé par le Réfèrent Technique et Psychologue de la Mission DSF – Haïti. Le travail réalisé avec les soignants au cours de plusieurs rencontres a offert aux participants l’occasion de retrouver au plus vite un équilibre émotionnel, cultiver un sentiment de sécurité psychologique ainsi que de renforcer leurs ressources internes et externes.
La prise en charge groupale psychologique destinée aux soignants haïtiens travaillant au sein des hôpitaux partenaires vise plus généralement à renforcer la santé mentale des prestataires et à mieux les outiller afin de trouver un soulagement au stress expérimenté et à prévenir des potentiels troubles de stress posttraumatique. Cette activité s’inscrit dans le cadre du projet « Contribuer à l’amélioration de la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs en Haïti » financé par l’Agence Française du Développement et DGD- Mae Luxembourg est.
2. Lancement du projet « Améliorer le bien-être psychologique et les capacités de résilience des enfants et adolescents vulnérables en situation de crise »
Dans le cadre du lancement du nouveau programme de la mission DSF – Haiti visant à renforcer les capacités de résilience des populations face aux crises prolongées – comme celle expérimentée par Haiti au cours des dernières années -, DSF poursuit sa collaboration avec Village d’Enfants SOS d’Haiti (VESH). Parmi les interventions ici prévues, des groupes d’analyse de la pratique sont réalisés avec les opérateurs responsables du bien-être des enfants non accompagnés prises en charge par le VESH sur la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Notamment, le personnel d’attention direct – PAD (prenant en charge les besoins primaires des enfants dans leur quotidien ) – et les Facilitateurs – responsables de veilleur aux relations entre les enfants et leur famille d’origine – ont réalisé de concert avec l’équipe psy de DSF une première évaluation de leur bien-être au travail afin de structurer le travail à venir afin d’apprendre à conscientiser leur place et leur positionnement, impulser une attitude réflexive, apprendre à développer une culture commune et a socialiser leurs difficultés professionnelles.
Découvrez l’exposition virtuelle ‘Doulè se zafè nou tout » imaginée par DSF Haîti et la SOHAD sur la douleur chronique afin de sensibiliser la société haïtienne et le grand public à sa prise en compte.
Ce projet est réalisé dans le cadre du projet « Améliorer la prise en charge de la douleur et des soins palliatifs en Haïti » financé par l’Agence Française de Développement et la FOKAL.
Douleurs Sans Frontières (DSF) appuie les structures de soins et les établissements d’enseignement supérieur partenaires à travers un renforcement administratif, financier et technique. L’appropriation des bonnes pratiques et l’autonomisation des partenaires se fait par les échanges avec des experts et formateurs étrangers, et le compagnonnage ; la mise à disposition et l’élaboration d’outils et de ressources, la définition de méthodes de prise en charge adaptées au contexte, au profil épidémiologique du pays et à sa culture ; la sensibilisation et l’actualisation des connaissances et compétences autour des méthodes conventionnelles et innovantes de prise en charge de la douleur et des soins palliatifs ; le développement de l’interdisciplinarité, de la coordination entre les services et les centres hospitaliers ; l’éducation thérapeutique et l’implication des patients, des aidants et familiaux, ainsi que la sensibilisation des pouvoirs publics et de la société civile pour un meilleur ancrage du projet. De plus, DSF prévoit des activités pour renforcer la pérennité du projet notamment par le développement de formations, de consultations et de colloques payants.
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